L’ordre de Tolède a été fondé par le cinéaste espagnol Luis Buñuel
Comme Buñuel le raconte dans ses souvenirs, la décision de fonder cet ordre lui est venue après une vision provoquée par l’absorption d’alcool. Cette vision lui est apparue en pénétrant dans une cathédrale gothique où il entendit des milliers d’oiseaux et quelque chose lui dire de rentrer aux Carmélites, non pas pour devenir moine, mais pour voler la caisse du couvent.
« Je vais au couvent, le portier m’ouvre la porte et un frère vient. Je lui parle de mon désir soudain et fervent de devenir carmélite. Lui, qui a sans doute remarqué l’odeur du vin, m’accompagne à la porte. Le lendemain, j’ai pris la décision de fonder l’Ordre de Tolède« . Ce fut en 1923, le jour de la Saint-Joseph.
Le but principal de l’ordre était de se rendre le plus souvent possible à Tolède, ville considérée comme sainte par ses membres, de manger et de boire plus que de raison, pour ensuite déambuler dans les rues de la ville et « se mettre en état d’y recevoir les expériences les plus inoubliables« .
At night, we listened to the nuns singing through the walls of the convent... (1923) Voices: Nuns of the Convent of Sto. Domingo del Real (Toledo). Recording: La Desorden de Toledo (Leopoldo Amigo, Gema Hoyas, José Juan Martinez, Marina Eva Scarpatti and Miguel Molina).
L’ordre de Tolède était très organisé hiérarchiquement. Son fondateur, Bunuel, était accompagné de Pepin Bello, son secrétaire. Dans un second rang se trouvaient les fondateurs, dont Federico Garcia Lorca. Puis, au rang de chevalier avec notamment Salvador Dali, Rafael Alberti et Pierre Unik. Se trouvent ensuite les écuyers, puis les invités et les invités des invités, avec pour chaque rang un représentant. La ville de Tolède devient, au travers de cet ordre décalé, un lieux de rencontre avec comme objectif de vivre les expériences les plus inoubliables. Ceux qui préféraient se coucher tôt ne pouvaient opter que pour le titre d’écuyer. Pour accéder au grade de chevalier il faut aimer Tolède sans réserve, se saouler au moins une nuit et errer dans les rues.
Selon les témoignages de Buñuel et Alberti : « Après avoir tissé et déballé nos pas entre les fentes profondes d’un Tolède endormi, nous nous sommes arrêtés sur le site du couvent au moment où leurs fenêtres défendues s’éclairaient, emplissant de chants voilés et de prières de nonnes« .
We walk around the streets, reading aloud poems that echoed on the walls (1924) Voices: Luis Buñuel, Pepín Bello, Rafael Alberti, Salvador Dalí, José Juan Martínez and Miguel Molina. Recording: la Desorden de Toledo. Editing: Knights of the Desorden de Toledo, Leopoldo Amigo and Miguel Molina
L’ordre vouait un culte au cardinal Tavera, inquisiteur-général de l’Espagne à partir de 1539. et gouverneur jusqu’à 1541. En 1541 il fonde l’Hospital de San Juan Bautista de Toledo, et fait bâtir le palais archiépiscopal de Tolède.
Après avoir mangé et bu dans des tavernes, souvent à la Venta de Aires, la coutume est de se recueillir quelques minutes au tombeau du cardinal puis de monter à la ville pour se perdre dans le labyrinthe de ses rues en quête d’aventures et d’illumination.
Selon les souvenirs de Buñuel dans « Mi último suspiro », il a rappelé : « Nous nous sommes promenés dans les rues en lisant des poèmes qui résonnaient sur les murs de l’ancienne capitale de l’Espagne, une ville ibérique, romaine, wisigothe, juive et chrétienne« .
Revive a whole theory of ghosts... Performers and recording: La Desorden de Toledo and the students of the Instituto I.E.S Serpis (Valencia). Composers: Knights of the Desorden, Leopoldo Amigo and Miguel Molina.
Une autre nuit, selon une mémoire sonore de Buñuel: « très tard et neigeant, pendant que nous nous promenions, Ugarte et moi, entendîmes soudain des voix d’enfants qui chantaient les tables de multiplication. De temps en temps les voix étaient interrompues et les rires et la voix sérieuse du maître fut entendue. Puis le chant continua… » et quand ils essayèrent de voir qui ils étaient, ils ne purent voir que les ténèbres ou n’entendre que le silence.
Bien que le nom de l’ordre suggère un objectif politique, religieux ou militaire, l’Ordre était en fait une opportunité pour ces jeunes d’explorer sans limitations. Cependant, à sa manière bohème, l’Ordre fonctionnait selon des règles strictes, nommées dans les papiers de Buñuel :
Si vous avez respecté ces préceptes, vous serez en mesure de :
Ces enregistrements ont été produits ou reproduit près de 80 ans plus tard par Leopoldo Amigo and Miguel Molina de l’université polytechnique de Valence.
Ces enregistrements sont issus du projet de recherche « Reconstrucción de obras I artístico-sonoras de la Vanguardia Histórica (1909-1945) » présenté par le groupe de recherche Laboratorio de Creaciones Intermedia (L.C.I.) de la Faculté des Beaux Arts San Carlos de Valence, étant approuvé et financé par l’Université Polytechnique de Valence entre 2002 et 2004.
Sources